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Inceste : les infractions sexuelles, les peines et les délais de prescription

Le 27 mars 2021

L’Assemblée nationale se penche en ce moment sur une proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles dont l’inceste, que plusieurs affaires judiciaires ont remis sur le devant de l’actualité.
 
Quelles sont les infractions sexuelles punies par la loi ? Quelles sont les peines encourues ? Quels sont les délais pour porter plainte ? Comment se défendre en cas d’accusation d’agression sexuelle ?
 
Maître Alexandre Balguy-Gallois, avocat au Barreau de Paris, vous répond.

Définition de l’inceste et des infractions sexuelles

L’inceste se définit, en France, comme le rapport sexuel entre deux personnes qui sont parents à un degré où le mariage est prohibé (art. 161 à 164 du Code civil).
 
Le Code pénal définit ce qu’est une infraction sexuelle incestueuse. Selon les articles 222-31-1 et 227-27-2-1 du Code pénal, les viols, agressions et atteintes sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par :
1° Un ascendant ;
2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.
 
La loi punit les infractions sexuelles suivantes commises sur un mineur : le viol, l’agression sexuelle, l’atteinte sexuelle, la corruption de mineur.
 
Le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222-23 du Code pénal).
 
L’agression sexuelle est définie comme tout acte de nature sexuelle, sans pénétration, commis avec violence, menace, contrainte ou surprise (art. 222-22 du Code pénal).
 
La loi fait la distinction entre les actes sexuels qui sont commis avec violence, menace, contrainte ou surprise, la victime n’étant pas consentante (viol ou agression sexuelle) et les actes sexuels qui sont commis entre personnes consentantes (ne sont alors sanctionnées que les atteintes sexuelles sur mineurs).
 
L’atteinte sexuelle sur mineur désigne tout acte de nature sexuelle, avec ou sans pénétration, commis sans violence, contrainte, menace ou surprise, à la différence du viol et de l’agression sexuelle (art. 227-25 à 227-27 du Code pénal). L’atteinte sexuelle ne requiert pas, pour être constituée, d’établir l’absence de consentement de la victime : il n’est donc pas nécessaire de prouver que l’auteur a usé de violence, contrainte, menace ou surprise et le mineur peut avoir consenti à l’acte sexuel.
Il s’agit d’un acte ayant rapport avec l’activité sexuelle qui se manifeste par un contact physique entre le majeur et le mineur : attouchements, caresses, baisers. En l’absence d’un tel contact, la qualification retenue est celle de l’exhibition sexuelle (art. 222-32 du code pénal) ou de la corruption de mineur (art. 227-22 du Code pénal).
L’atteinte sexuelle n’est sanctionnée qui si elle est commise sur un mineur. Il convient donc d’établir que l’auteur majeur a agi en connaissance de l’âge de son partenaire (élément moral de l’infraction).
 
La corruption de mineur (art. 227-22 du Code pénal) consiste pour un adulte - par des actes, scènes, images, y compris via les réseaux de communication électroniques (internet, messageries) - à éveiller ou à exciter à la débauche un mineur, même de plus de 15 ans, ou à l’aider à se procurer les moyens de satisfaire des pulsions perverses.
L’alinéa 2 de l’article 227-22 du Code pénal prévoit expressément un cas de corruption de mineur : le fait pour un majeur « d'organiser des réunions comportant des exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles un mineur assiste ou participe ou d'assister en connaissance de cause à de telles réunions ».

Répression de l’inceste

L’inceste est une circonstance aggravante des infractions sexuelles.
 
Le code pénal prend en compte le lien de famille pour sanctionner et définir certaines infractions sexuelles.
 
Les sanctions diffèrent selon la nature de l’infraction sexuelle, son auteur et l’âge de la victime, c’est-à-dire selon que le mineur a ou non atteint l’âge de la majorité sexuelle (15 ans, en France).
 
Le lien incestueux est, dans presque tous les cas, considéré comme une circonstance aggravante de l’infraction.
 
Dans le cas du viol, les circonstances aggravantes ne se cumulent pas. Il suffit que la victime soit un mineur de moins de 15 ans ou que l’auteur soit un ascendant ou une personne ayant une autorité de droit ou de fait pour encourir 20 ans de réclusion criminelle (art. 222-24 du Code pénal).
 
En dehors du viol commis sur un mineur de moins de 15 ans, qui est puni de 20 ans de prison quel qu’en soit l’auteur, les infractions sexuelles sont sanctionnées plus sévèrement lorsqu’elles sont commises par « un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » :
-       20 ans d’emprisonnement et au lieu de 15 ans de prison pour le viol commis sur un mineur de 15 ans ou plus (art. 222-24 du Code pénal) ;
-       7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende au lieu de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende pour l’agression sexuelle, autre que le viol, commise sur un mineur de 15 ans ou plus (art. 222-28 du Code pénal) ;
-       10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende au lieu de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende pour l’agression sexuelle, autre que le viol, commise sur une victime d’une particulière vulnérabilité notamment due à son âge (art. 222-30 du Code pénal) ;
-       10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende au lieu de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende pour l’atteinte sexuelle commise sur un mineur de moins de 15 ans (art. 227-26 du code pénal).
 
Les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de 15 ans ou plus constituent des infractions lorsqu’elles sont commises par « un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » ou « par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions » (un professeur, un ami de la famille qui s’est vu confié la garde du mineur pendant les vacances).
Ici, la qualité d’ascendant ou de personne ayant autorité sur le mineur est un élément constitutif de l’infraction et non plus une circonstance aggravante.
Ces atteintes sexuelles sur mineur sont sanctionnées de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 € (art. 227-27 du Code pénal).
En dehors des deux hypothèses visées à l’article 227-27 du Code pénal, un mineur âgé de plus de 15 ans peut légalement avoir des relations sexuelles librement consenties avec un majeur sans que ce dernier puisse être poursuivi.
 
Le 18 février 2021, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violence sexuelle dont l’inceste.
 

Les délais pour agir en justice en cas d’infractions sexuelles

Dans les cas d’inceste, en application du droit commun, les poursuites pénales peuvent être engagées par les victimes ou par le ministère public, lorsqu’il a connaissance des faits.
 
Délai de prescription
 
Le délai de prescription est la période au-delà de laquelle l’auteur de l’infraction ne peut plus être poursuivi, c’est-à-dire être jugé par un tribunal. Ce délai dépend de la nature de l’infraction et de l’âge de la victime. Il s’applique à la victime qui veut porter plainte et au procureur de la République qui veut engager des poursuites.
 
Délais de prescription des infractions sexuelles sur un majeur
 
Le crime de viol commis sur un majeur se prescrit par 20 années à compter du jour de l’infraction (art. 7 al. 1 du Code de procédure pénale).
 
Le délit d’agression sexuelle commis sur un majeur se prescrit par 6 années à compter du jour de l’infraction (art. 8 al. 1 du Code de procédure pénale).
 
Délais de prescription des infractions sexuelles sur un mineur
 
Les délais de prescription des infractions sexuelles sur un mineur sont allongés, notamment parce qu’ils ont pour point de départ la majorité de la victime (ses 18 ans). Ces délais s’appliquent à la victime qui veut déposer plainte, mais aussi au procureur de la République, s’il veut engager des poursuites lui-même, en l’absence de plainte.
 
La victime peut déposer plainte à partir de sa majorité pendant toute la durée du délai de prescription. La victime peut également porter plainte avant sa majorité. Un nouveau délai de prescription commence à sa majorité. Les parents ou les représentants de la victime peuvent aussi agir en son nom.
 
Le crime de viol commis sur un mineur se prescrit par 30 années à compter de la majorité de la victime (art. 7 al. 3 du Code de procédure pénale).
 
Le délit d’agression sexuelle commis sur un mineur se prescrit par :
-       20 années à compter de la majorité, si la victime est âgée de moins de 15 ans au moment de l’infraction (art. 8 al. 3 du Code de procédure pénale).
-       10 années à compter de la majorité, si la victime est âgée de 15 ans ou plus au moment de l’infraction (art. 8 al. 2 du Code de procédure pénale).
 
Le délit d’atteinte sexuelle commis sur un mineur se prescrit par 10 années à compter de la majorité (art. 8 al. 2 du Code de procédure pénale). Cependant, en cas d’atteinte sexuelle aggravée (art. 227-26 du Code pénal), commise sur un mineur de moins de 15 ans ou par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, le délit se prescrit par 20 années à compter de la majorité (art. 8 al. 3 du Code de procédure pénale).

Ce qu’il faut retenir des délais de prescription

La victime peut porter plainte jusqu’à ses 48 ans en cas de viol commis alors qu’elle était mineure.
 
La victime peut porter plainte jusqu’à ses 38 ans :
-       en cas d’agression ou d’atteinte sexuelle commise alors qu’elle avait moins de 15 ans;
-       en cas d’agression ou d’atteinte sexuelle commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur elle une autorité de droit ou de fait.
 
La victime peut porter plainte jusqu’à ses 28 ans :
-       en cas d’agression ou d’atteinte sexuelle commise alors qu’elle avait entre 15 et 18 ans.
 
Dans tous les cas, la victime mineure ou majeure doit être accompagnée car le parcours judiciaire est souvent long et douloureux. Il est essentiel pour la victime d’obtenir de la justice la reconnaissance de son statut de victime, ce qui est une étape fondamentale pour sa reconstruction psychique.

Vous avez été victime d’une agression sexuelle ou vous êtes accusé d’en être l’auteur ? 

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